Mikeno - Navigation solitaire

Pourquoi ce projet de navigation solitaire ?

Arrivant doucement mais sûrement au crépuscule de ma vie, je dois dire que j'ai assez de cette vie Métro-Boulot-Conso-Dodo, j'aspire à autre chose et je pense qu'une croisière en solitaire (autour du monde ou pas) va me permettre de me sentir mieux dans ma peau. C'est aussi très certainement une expérience spirituelle très enrichissante.

Je me sens moins seul en solitaire au milieu de la mer qu'au milieu de la foule

Le fait de voir d'autres paysages, de rencontrer et connaître d'autres cultures ne peut qu'être positif même s'il faudra parfois y payer le prix, je pense aux difficultés dans du temps très dur seul face aux éléments mais aussi au fait de se retrouver tout seul pour de longues périodes au milieu de l'océan loin de tout et sans aide extérieure.

C'est face aux déchaînements de la nature que l'homme réalise comme il est insignifiant

En lisant les récits de navigateurs qui ont essuyé du gros temps, je dois avouer que même si ça peut être parfois très effrayant et très dur, je trouve ça fascinant, je n'irai pas jusqu'à rechercher de telles conditions car il vaut toujours mieux les éviter mais l'idée de me retrouver un jour dans une telle situation ne me fait pas vraiment peur. Voir la page Gros temps.

Celui qui maîtrise les colères de la mer est capable de maîtriser ses propres colères

Je ne souhaite pas spécialement naviguer seul mais je pense que tout voileux qui se respecte devrait être capable de manœuvrer son bateau seul, dans toutes les situations, surtout maintenant avec les nombreuses facilités qu'offrent les voiliers modernes ! Naviguer en solo est plus gratifiant que difficile, c'est aussi le meilleur moyen de bien connaître son voilier.

J'aimerai effectuer cette aventure avec ma femme qui aime bien le bateau, la voile et les voyages mais qui ne souhaite pas vivre en permanence sur un bateau et qui souhaite rester proche de ses enfants et petits enfants.

Il est toujours risqué, imprudent et même parfois impossible de laisser son bateau seul au mouillage lorsqu'on veut effectuer des visites à l'intérieur des terres, même de courte durée. Je pense aussi aux possibles problèmes de santé (voir la page Santé et pharmacie) qui peuvent être gérés plus aisément si on est accompagné.

Je n'exclus donc pas de faire ce voyage avec des équipiers (voir à ce propos « Pour une taxinomie de l’équipier: amis, sangliers et blaireaux » de Kousk Eol et la page Équipier sur Mikeno) et/ou avec un(e) partenaire et d'avoir un bateau en copropriété car il est vrai que tout seul, l'achat du bateau et de l'équipement nécessaire, les coûts d'entretien et d'assurance représentent beaucoup d'argent et il est aussi beaucoup plus facile de naviguer à deux ou plus qu'en solo. Mais il est certainement très difficile de trouver quelqu'un partageant les mêmes rêves, les mêmes idées et avec qui on peut et doit bien s'entendre.

Il va sans dire qu'il est important de mettre toutes les chances de son côté, foc sur enrouleur, toutes les manoeuvres (drisses et écoutes) dans le cockpit, tous les affichages (vitesse, direction, profondeur ...) visibles dans le carré et le cockpit ainsi que toutes les commandes nécessaires (moteur, guindeau ...), une tablette protégée par une pochette étanche et connectée par Wi-Fi au réseau NMEA 2000 permet, entre autres, d'avoir toutes ces fonctionalités.

Pour la prise de ris de la grand-voile, je prévois d'installer une bosse d'amure revenant au cockpit. Pour le tourmentin ou la trinquette, il est nécessaire d'avoir un bas-étai largable accroché sur le pont (renforcé) sur un dispositif à ridoir ou système similaire. Je pense aussi mettre le point d'amure assez haut pour éviter que les paquets de mer n'aillent sur la voile.

La solitude en mer amène à la plénitude

Manœuvres de port et de mouillage

Au port ou au mouillage, le solitaire peut être parfois embarrassé, surtout quand le vent souffle fort. Difficile tout seul d'être partout à la fois pour parer les mauvais coups ! Règles d'or : manœuvrer à vitesse réduite, ne pas hésiter à demander de l'aide à la capitainerie, aux voisins de pontons, ou à des curieux sur le quai, nulle honte à cela.

Il est toujours plus facile de manœuvrer cul au vent à vitesse réduite.

Même chose au mouillage quand on ne connait pas les lieux, qu'on tient la barre derrière et qu'on ne voit pas les fonds devant l'étrave. Il est bon d'avoir un sondeur dont la sonde est placée devant la quille ainsi qu'une caméra montrant ce qu'il y a devant. En solo, il est plus facile d'avoir une télécommande pour utiliser le guindeau tout en étant à la barre dans le cockpit.

L'app « Hafenskipper 2 » est un simulateur de bateau (à moteur ou à voile) permettant de se familiariser avec les manœuvres portuaires, c'est assez bien réalisé et très réaliste. On peut modifier les paramètres du navire mais aussi les conditions météo (vent et courant).

Éviter de mouiller de nuit mais aussi éviter de quitter un ⚓️ la nuit. Dans le doute, si fonds non visibles (comme dans un port), toujours utiliser un orin avec l'ancre.

Ne pas oublier de placer l'ancre sur le davier, de sortir la gaffe et les défenses (pare-battages) avant d'atteindre le port ou le mouillage, prendre soin aussi de sortir et de préparer des amarres suffisamment longues sur chaque bord. Toujours avoir une grosse défense à portée de main, un pare-choc volant vaut mieux que quelques doigts écrasés.

Ne jamais oublier que si le moteur tombe en panne, c'est en général quand on l'utilise ou souhaite l'utiliser. En pleine mer, ce n'est pas bien grave mais quand on effectue des manœuvres au port ou au mouillage, ça peut devenir trés embétant. Comment parer à cette éventualité ? Puisque nous sommes sur un voilier, nous pouvons donc utiliser les voiles pour manœuvrer, soit on garde le foc sorti, soit on est capable de l'envoyer rapidement, ce qui est heureusement assez facile avec les enrouleurs. Il est plus facile de manœuvrer avec un foc seul qu'avec la grand-voile.

Si le moteur s'arrête, ne pas essayer de le redémarrer car il ne redémarrera probablement pas et vous perdrez de précieuses secondes, dans ce cas il est primordial de continuer à la voile s'il y a du vent sinon, de mouiller au plus vite.

En navigation

Tout d'abord, voici ce qu'on peut lire sur le RIPAM (Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer) concernant la veille à bord d'un navire (règle 5) :
« Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d'abordage ».
Pour résumer, il y a donc obligation de veille permanente ce qui signifie clairement que la navigation en solitaire est interdite sur une durée de plusieurs jours. Mais alors tous ces navigateurs solitaires qui naviguent dans le monde entier sont en infraction et comment peut on autoriser des courses (régates) en solitaire comme « Le Vendée-Globe » ou « La Longue Route » ? Chaque navigateur est responsable de ses décisions mais en cas de pépin, il aura la loi contre lui, donc à chacun de voir s'il accepte ou pas de prendre ce risque.

Sur un bateau qui navigue, il est important de surveiller les alentours à intervalles réguliers car à tout moment un danger quelconque peut se présenter, c'est pour cette raison que le skipper organise un plan de quarts. Mais quand on est seul à bord, on ne peut en aucun cas assurer une vigilance permanente sur plusieurs jours. il est important de dormir et de pouvoir se reposer afin d'être en forme quand la situation l'impose, car c’est par la fatigue que les erreurs surviennent.

Attention aux dangers surprises

Comme l'écrit si bien Pierre Lang sur Solitaire, veille et sommeil : improbable ménage à trois, en solo il faut vivre au ralenti, économiser son énergie et se concentrer uniquement sur la bonne marche du bateau et sur la bonne forme du skipper, rien que sur cela.

Comme pour tout à bord, il faut an-ti-ci-per, surtout ne pas permettre à la fatigue de s’accumuler.

Dans certaines situations (gros temps et/ou zone de trafic intense), il est nécessaire de rester éveillé, prévoir donc des médicament/vitamines qui permettent de rallonger le temps de veille.

On peut distinguer 3 types de navigation :

  • La navigation en zone très fréquentée (Manche, Gibraltar ...) ou proche des côtes, qui demande une veille constante, là, pas question de fermer l'oeil !
  • En navigation côtière, il est important de se maintenir à une distance respectueuse de la côte (15-20 milles) mais on peut se permettre de courtes siestes de 10 à 15 minutes.
  • En navigation hauturière, donc à au moins 100 milles de toute côte et à condition de ne pas se trouver sur des axes de navigation utilisés par les grands navires, on peut se permettre de plus longues périodes de sommeil (1 à 2 heures). Les périodes d'environ 90 minutes permettent d’effectuer un cycle complet de sommeil ce qui suffit (avec un peu d'entrainement) pour reposer muscles et cerveau, voir Sommeil polyphasique.

Le pilote automatique ou le régulateur d’allure se charge respectivement de suivre un cap ou de garder l'allure mais ils sont incapables de prendre une décision si un obstacle surgit. C'est pour ça qu'il est impératif d'avoir un radar qui sonne l'alarme quand on s'approche d'un obstacle ou qu'un obstacle s'approche de nous. Le récepteur AIS ou mieux encore le transpondeur AIS peut aussi être très utile. Ne pas être survoilé, au contraire, il vaut mieux réduire la toile avant d'aller se reposer.

Installer des barres anti-roulis efficaces et solides (la houle est terrible pour le sommeil).

Afin de pouvoir se réveiller à intervalles réguliers, on peut utiliser un minuteur de cuisine ou encore mieux, un smartphone qui a l'avantage de sonner de nouveau après quelques minutes.

L’un des plus grands dangers guettant le navigateur solitaire étant de tomber à l’eau et de voir son bateau s’éloigner tout seul, il faut disposer d’un bon équipement simple et fiable afin de pouvoir s’attacher rapidement et facilement dès qu’on sort du carré via le harnais, la longe et la ligne de vie sur le pont mais aussi dans le cockpit, les lignes de vie doivent être placées au plus près de l'axe du bateau et tendues au plus serré. Utiliser de préférence des lignes de vie bien voyantes de couleur jaune, orange ou vert fluo.

Lignes de vie au plus près de l'axe du bateau

La longe devrait être suffisamment longue pour permettre de se déplacer et de manœuvrer mais elle devrait être aussi assez courte pour ne pas risquer de passer par dessus bord et se retrouver à l'eau, le mieux étant d'utiliser 2 longes, l'une courte et l'autre plus longue.

Quiconque a tenté de sortir de l'eau même si le bateau n'avance pas, sait que la manœuvre est pratiquement impossible sans échelle. Il est donc important de pouvoir déplier aisément l'échelle de bain en position repliée quand on est dans l’eau. La longe de harnais Néréïde se transforme en palan pour assister le naufragé. Un gros plus pour la sécurité et un « MUST » pour les navigateurs solitaires !

Je pense aussi laisser trainer un bout assez long (50m ou plus) de petite section, pour désactiver le pilote automatique ou le régulateur d’allure et bloquer la barre d'un côté ou de l'autre afin que le bateau tourne en rond, le bout pouvant être assez fin mais suffisamment long ; sujet à cogiter et à réaliser !

Il est necessaire d'avoir de bonnes jumelles, surtout pour la nuit.

Si vous savez que vous devez changer une pièce un jour, faites le impérativement avant de partir ou lors d'une escale dans un port !

Si vous essuyez du gros temps pendant plusieurs jours, que vous êtes suffisamment éloigné de toutes côtes et que vous êtes épuisés alors mettez votre bateau à la cape ou affalez les voiles et utilisez les ancres flottantes (voir la page Mouillage & amarrage).

Grimper au mat

Pour grimper au mat, plusieurs solutions s'offrent aux navigateurs solitaires :

Si l'on dispose déjà d'échelons de mât, il est donc facile de monter mais il faut absolument s'assurer, le plus simple étant d'utiliser un baudrier d'escalade accroché à une drisse en haut du mât et un système de palan avec taquet coinceur comme pour l'écoute de grand voile, en prenant soin en montant, de border et coincer le cordage au moins tous les 2 échelons. Ou peut-être encore plus simple et plus sûr, d'utiliser le baudrier d'escalade avec 2 courtes longes qu'on accroche aux échelons de mât en prenant soin d'avoir toujours au moins une longe accrochée.

Lorsqu'on grimpe au mât, il est important de porter un casque de protection car en haut du mât quand il y a de la houle, on est sacrément balancé et on peut ramasser de sacrés coups !

Toujours porter un casque quand on grimpe au mât !

Voir aussi Escalade: remonter sur une corde fixe avec des autobloquants, une autre technique qui peut aussi être utilisée pour monter au mât en solo.

If you can read English then just read Sailing a boat singlehanded, a collection of tips and thoughts about single sailing written by different sailors.

Experience is a hard teacher because she gives the test first, the lesson afterwards - Vernon Sanders Law.

Ce ne sont pas les plus forts ni les plus intelligents qui survivent, mais ceux qui sont les plus réceptifs (et réactifs) au changement - Charles DARWIN.

Ne jamais oublier ...

Quand on navigue seul, il est important :

de toujours s'attacher (harnais, longe et ligne de vie) à l'extérieur,

de toujours surveiller les alentours afin d'éviter une collision,

d'être toujours prêt à toutes sortes d'imprévus, voir les procédures d'urgences,

de ne jamais se précipiter afin d'éviter des chutes ou blessures inutiles,

de pouvoir se soigner tout seul, voir la page Santé et pharmacie,

d'essayer de garder son calme dans toutes les situations,

d'agir suffisamment à l'avance par exemple, réduire la voilure avant que le mauvais temps arrive,

de bien gérer son sommeil afin de garder la meilleure forme possible,

de toujours garder une main pour soit et l'autre pour le bateau,

de bien dégager le pont de tout obstacle (cordages ou autre) aux endroits de passage,

de toujours regarder où on met les pieds quand on se déplace sur le pont,

de toujours tout ranger ce qui peut être vital aux mêmes endroits,

d'avoir un équipement fiable et bien entretenu,

de bien connaître son bateau et de savoir comment il réagit dans toutes les situations,

d'avoir un couteau sur soi ou à portée de main,

de bien connaitre les faiblesses et les forces de son bateau,

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© Philippe Lagarrigue, 2022 - Avertissement, Contact.